Adios, l'amie


Mais mord la solitude.

Quand j’entends sur ma droite,

les épis resserrés des heures, je bondis de côté.

Dans les bois de ma nuit,

m'échappe.

 

Dormir à ses côtés, inventer des projets bariolés,

rouler dans sa voiture, yeux fermés, corps tranquille.

 

On peut dire que la peur m’a secouée dans son puits,

je me noie sous les eaux d’une larme à répétition, j’attends que d’autres pas s’approchent.

J’ai rempli des carnets pour noter des cauchemars,

et quelquefois des rêves trop envoûtants,

noté le nombre des années passées à saloper ma vie,

à museler les chiens qui veulent me bouffer.

 

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Nuage de plaisir, poudre opalescente de la Grande Ourse,

tout au long du hameau taillis recouverts d’ombre ; le jour vient, pluie

des jacarandas avides de lumière.

 

Sois pleine de ta soif, de ton désir mordant, fonce.

 

Va donc dans des endroits où ça s’agite, crépite,

observe tous les gestes,

retiens bien l’expression des visages, respire

avec le vent, dans le matin.

Et puis... le crépuscule aux bêtes qui comme toi, sortent enfin

du terrier, n’est pas inhospitalier.

Moi, c’est le plein soleil que je veux pour ne rien

manquer si l’écho d’une voix sur ma route roule en-deça

des bornes, l’étincelle d’une allumette...

 

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La houle, la houle de l’amour renversera l’esquif !

 

Branleuse de chansons, regarde, ta fille parfumée

est devenue sirène, chevelure soulevée.

Elle roucoule sur son rocher comme autrefois la Lorelei, naufrage

les marins et sa voix t’ensorcèle, tu ôtes soutien-gorge et slip,

nage nue dans son fleuve,

c’est elle que tu veux et tant pis pour les gouffres !

 

Quand ta brasse écarte cette eau

si fraîche que tu en trembles

le soleil est couché à peine.

Le plancton des rivières se mêlera

en toi, tes oreilles guidées

par la tendre inflexion qui t’appelle :

 

« L’orchestre flamboie, sur les archets

glisse cette nacre du soir, les violons,

la flûte, oui, tu les entendras. N’aie crainte,

à la brune, c’est pour toi qu’ils joueront.»

 

                 En effet !

À l'instant éclate l’harmonie,

les cymbales rivalisent avec l'assaut des ondes

venues battre aux rochers.

Souffle de ces cors magnifiques, clarté de ces hautbois

S’accordant au velours des cordes.

 

La peau mouvante et fluide

de ton fleuve me serre étroitement

Toute entière, riant, sifflant, les veines de mon sang battant

dans l’étreinte de l’eau mugissante.

 

Et vos mains enlacées, vœux de bonheur, dit la voix, mais la roseraie est fermée !