A un certain moment de ma vie je me suis rendue compte que la publicité qui abondait dans les revues féminines découpait sans complexe les femmes en morceaux. En effet, la pub met en scène par le biais d'images sophistiquées, et cela pour vendre, les pulsions plus ou moins secrètes de la société concernant les femmes. Enervée par la désinvolture avec laquelle on les tronçonnait même si ça n'était que sur du papier ou des panneaux aux flancs des bus, j'avais jeté en trois lignes le scénario d'une histoire affreuse et l'avais glissé dans mon dossier Propositions et amorces de nouvelles ou de romans.
Le thème me trottait dans la tête, mais il me faisait peur. C'était scabreux, assez morbide. En même temps, le milieu dans lequel se passait l'histoire me plaisait bien : la mode, le coup d'un pouvoir occulte planqué sous les débordements du luxe, quelle magnifique occasion de faire flamber l'imagination ! Le Défilé m'obsédait. Il demeurait en filigrane avec tout ce que j'envisageais de décrire : décors extravagants, vêtements somptueux, parade des filles transfigurées sur le podium, ambiance survoltée des défilés. Et puis, le site même du Défilé, dangereusement encerclé par la ville qui, tapie dans l'enchevêtrement de ses ruelles, attend comme une gueule prête à broyer sa proie.
Différemment de celle de La Dame noire, l'inspiration m'est venue par à coups. J'ai davantage travaillé la structure du roman avant de l'écrire que je ne le fais habituellement. Élaboré l'action par journée pour une concentration du temps maximum et donc un "swing" narratif plus rapide. Patiemment édifié la topographie de la ville où a lieu le Défilé. Serré au plus près les personnages dont le héros, un naïf photographe de mode qui se trouve pris dans une spirale dont on ne sait pas trop s'il s'agit d'un fantasme ou d'une réalité.
La création de ce mix de polar, d'hommage à l'art et à la Haute Couture, m'a maintenue sur la crête de l'imagination pendant des mois. Paul, Franz, Miss Moon, le liftier aveugle et Monica ont envahi ma vie, mon temps, dopé mon énergie. J'ai pénétré peu à peu dans les relations électriques entre ces personnages. Je me sentais transportée dans cette cité mégalomane où le sang ruisselait silencieusement entre les plis de la soie ou du velours...
Le concierge fit appeler la directrice de l’établissement, Miss Moon. Elle s’avança vers moi avec un sourire amical puis s’empara de ma valise, me précédant jusqu’à ma chambre. ...suite
— Votre nom et l’agence qui vous accrédite, je vous prie, Monsieur.
— Mon pseudonyme est Gary Tudor. Je suis envoyé par l’Agence Excelsior pour la revue « Images de Femmes ». Mon vrai nom est François…
Il leva la main. ...suite
À travers la paroi presque invisible de la coupole, le ciel paraissait peint dans un bleu si vif que l’on se serait cru en plein été. ...suite
À notre grand regret, la lumière s’estompe reléguant ces merveilles dans l’ombre. Son faisceau éclaire maintenant l’Oiseau. Là-haut sur sa branche, ses ailes s’écartent et se referment dans un frémissement voluptueux inspiré par la mélodie qui s'élève. ...suite